COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2019/06 – Transfert intra-groupe

Avis du 5 juin 20191

 

Généralités

Par le présent avis, la Commission entend clarifier le traitement comptable du régime de transfert intra-groupe2 dans les comptes annuels statutaires.

Le régime de transfert intra-groupe se base sur le principe de la neutralité fiscale selon lequel le traitement fiscal des bénéfices et des pertes doit être adapté à l’entité économique qui exerce les activités, quelle que soit la manière dont l’entité économique est structurée et organisée, qu’il s’agit d’une seule entité ou d’un groupe de sociétés.3 Le régime de transfert intra-groupe est une sorte de consolidation fiscale.

Description succincte du régime de transfert intra-groupe

Le régime de transfert intra-groupe vise à permettre aux groupes de sociétés de compenser dans certaines circonstances la perte fiscale de l’exercice d’imposition d’une société du groupe avec le bénéfice obtenu pendant cet exercice d’imposition par une autre société du groupe.

 Au niveau fiscal, ce transfert de bénéfices est réalisé en déduisant4 le montant du transfert intra-groupe du revenu imposable d’une société du groupe et en ajoutant ce montant du transfert intra-groupe à la base imposable5 de la période imposable liée au même exercice d’imposition de l’autre société du groupe. Concrètement, ceci implique que, dans la déclaration d’impôts, un montant qui correspond au montant du transfert intra-groupe doit être déduit de la situation de début des réserves.6

Le régime de transfert intra-groupe est toutefois caractérisé par la recherche d’une neutralité patrimoniale. Le  transfert des bénéfices permet à une société du groupe de payer moins d’impôts au préjudice d’une autre. Afin de compenser ce préjudice, la société qui bénéficie de l’avantage paye une compensation qui correspond à cet avantage, obtenu en exécution du transfert fiscal des bénéfices. Du point de vue fiscal, cette compensation est un frais non-déductible7 dans le chef de l’auteur du paiement et n’est pas imposable8 dans le chef du bénéficiaire.

Pour l’application du régime de transfert intra-groupe, les deux sociétés du groupe doivent conclure une convention dans laquelle les modalités du régime de transfert intra-groupe sont décrites.

L’application du régime de transfert intra-groupe se limite aux sociétés du groupe qui sont liées pour une période ininterrompue de cinq ans9 .10 Pour l’application du régime de transfert intra-groupe, il y a lieu d’entendre par une société liée : une société :

  • qui dispose d’une participation directe d’au moins 90 pour cent dans le capital du contribuable qui applique la déduction du transfert intra-groupe ; ou
  • dont le capital est directement et pour au moins 90 pour cent détenu par le contribuable qui applique la déduction du transfert intra-groupe ; ou
  • dont le capital est directement et pour au moins 90 pour cent détenu par une autre société résidente ou étrangère. Cette autre société résidente ou étrangère doit également disposer d’une participation d’au moins 90 pour cent dans le capital du contribuable qui applique la déduction du transfert intra-groupe.

Traitement comptable du régime de transfert intra-groupe

D’une part, le régime de transfert intra-groupe se compose d’un transfert de matière imposable d’une société du groupe à une autre. Ce transfert a lieu par une reprise adéquate dans les déclarations d’impôts de l’exercice d’imposition concerné des sociétés en question (voir supra). Ce transfert fiscal a lieu en dehors de la comptabilité et ne requiert aucune autre précision11 de la part de la Commission sous l’angle du droit comptable.

D’autre part, une compensation est payée par la société qui retire un montant donné de son résultat fiscal et qui transfère ce montant à une autre société du groupe qui doit le reprendre dans son résultat fiscal. La compensation payée est égale au montant de l’impôt économisé par la société qui a appliqué la déduction du transfert intra-groupe. Dans ce qui suit, la Commission clarifie le traitement comptable12 de cette compensation.

Dans le chef du débiteur de la compensation pour le transfert intra-groupe

La société qui applique la déduction du transfert intra-groupe est obligée de payer une compensation égale à l’impôt économisé par l’application de la déduction du transfert intra-groupe. Cette compensation doit être payée au nom de la neutralité patrimoniale poursuivie. Le transfert fiscal de bénéfices occasionne le paiement de l’impôt dû au moment même ou dans le futur, non pas par la société qui a appliqué la déduction du transfert intra-groupe, mais par la contrepartie contractante.

Le compte 67 Impôts sur le résultat reprend toutes les dépenses ou charges encourues en vue du paiement des impôts sur le résultat, et qui sont imputables sur ces impôts.13

Dans la plupart des cas, la convention de transfert intra-groupe n’est conclue qu’après la clôture de l’exercice (N). En règle générale, cette convention doit donc être traitée au cours de l’exercice suivant (N+1). Ainsi, à la date d’inventaire de l’année N, il est procédé à l’évaluation des charges fiscales, sans tenir compte d’une convention de transfert intra-groupe qui serait conclue au cours d’une exercice ultérieur.

Selon la Commission, la convention de transfert intra-groupe doit être comptabilisée comme suit : la dette fiscale estimée doit être comptabilisée en débitant le compte 6702 Charges fiscales estimées14 avec pour contrepartie le compte 4500 Impôts belges sur le résultat. Dans l’exercice suivant (N+1), à la clôture de la convention de transfert intra-groupe, le compte 4500 Impôts belges sur le résultat doit être débité avec pour contrepartie la comptabilisation d’une dette envers la société du groupe avec laquelle la convention de transfert intra-groupe a été conclue.15

Dans le chef du bénéficiaire de la compensation du transfert intra-groupe

Dans le chef du bénéficiaire de la compensation, le montant reçu représente en principe la compensation de la consommation d’une latence fiscale active. Toutefois, dans des comptes statutaires belges, une latence fiscale active ne se traduit pas au bilan comme un élément d’actif. En outre, la compensation n’est pas en fonction du montant de la perte fiscale de la société qui reçoit la compensation, mais uniquement en fonction de l’économie d’impôt réalisée par la société qui applique la déduction des transferts intra-groupe. Dans la pratique, il est même possible que la société, agissant en tant que contrepartie de la société qui a appliqué la déduction des transferts intra-groupe, augmente sa base imposable dans la convention de transfert intra-groupe et, de ce fait, doive payer des impôts immédiatement.

La compensation reçue (ou à recevoir) n’est donc pas le résultat d’impôts déjà payés et ne peut pas non plus être qualifiée de crédit d'impôt. La compensation reçue ne peut dès lors pas être comptabilisée comme une régularisation d’impôts déjà payés et n’est donc pas reprise au compte 77 Régularisations d’impôts et reprises de provisions fiscales. La compensation est comptabilisée au compte 764 Autres produits d’exploitation non récurrents.

Exemples

Les sociétés résidentes A et B, dont l’exercice se termine le 31/12/N, remplissent les conditions pour appliquer la déduction du transfert intra-groupe.

La société A a réalisé au cours de l’exercice se terminant au 31/12/N, avant l’application du régime de transfert intra-groupe, une perte fiscale de 110.000 euros. Au cours de l’année N+1, la société A et la société B concluent une convention intra-groupe à hauteur de 100.000 euros.

La société B a réalisé au cours de l’exercice se terminant au 31/12/N, avant l’application du régime de transfert intra-groupe, un résultat fiscal de 480.000 euros. Par hypothèse, la société B n’a effectué aucun versement anticipé,  ni versé d’autres éléments fiscalement imputables.

L’application de la déduction du transfert intra-groupe permet à la société B d’économiser 25.00016 euros d’impôts. La compensation due par la société B à la société A s’élève donc à 25.000 euros.

La baisse de la base imposable de la société B de 100.000 euros et l’augmentation de la base imposable de la société A ont lieu en dehors de la comptabilité.

La compensation dans le cadre du régime de transfert intra-groupe est comptabilisée comme suit.

Dans le chef de la société B (débiteur de la compensation)

Lors des opérations de fin d’exercice le 31/12/N

6702 Charges fiscales estimées 120.00017  
  à 4500 Impôts belges sur le résultat    120.000

A la conclusion de la convention de transfert intra-groupe (au cours de l’exercice N+1)

4500  Impôts belges sur le résultat 25.000  
  à 489 Dettes diverses   25.000

Dans le chef de la société A (bénéficiaire de la compensation)

Lors des opérations de fin d’exercice le 31/12/N

Aucune écriture comptable

A la conclusion de la convention de transfert intra-groupe (au cours de l’exercice N+1)

281018 Créances en compte 25.000  
  à 764 Autres produits d’exploitation non récurrents   25.000
  • 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 2 avril 2019 sur le site de la CNC.
  • 2Dans le Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après: CIR 92), le régime de transfert intra-groupe est repris dans les articles 185, § 4, 194septies, 198, § 1, 15° et 205/5 (articles 18, 36, 39, 9° et 48 de la loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l'impôt des sociétés). La Commission souligne que le présent avis se limite strictement aux aspects comptables du régime de transfert intra-groupe et ne se rapporte pas aux aspects fiscaux.
  • 3Exposé des motifs relatif à la loi du 30 juillet 2018 portant des dispositions diverses en matière d'impôts sur les revenus, Documents parlementaires 54 3147/001, p. 29.
  • 4Appelé déduction du transfert intra-groupe (article 205/5, § 1, CIR 92).
  • 5Article 185, § 4, CIR 92.
  • 6Exposé des motifs relatif à la loi du 30 juillet 2018 portant des dispositions diverses en matière d'impôts sur les revenus, Documents parlementaires 54 3147/001, p. 30.
  • 7Article 198, § 1er, 15°, CIR 92.
  • 8Articles 185, § 4 et 194septies, CIR 92.
  • 9A compter du 1er janvier de la quatrième année civile précédant celle dont le millésime désigne l’exercice d’imposition.
  • 10Article 205/5, § 2, alinéa 3. En outre, l’article 205/5, CIR 92 contient certains cas où le régime de transfert intra-groupe n’est pas possible.
  • 11Pour être complet, il convient de noter que les entreprises qui doivent publier un schéma complet des comptes annuels, doivent mentionner dans l’annexe les principales sources de la disparité entre le bénéfice, avant impôts, exprimé dans les comptes et le bénéfice imposable estimé, dans la mesure où le résultat de l’exercice est influencé de manière sensible par cette disparité (article 3:82, XV, B, AR CSA).
  • 12Le présent avis porte uniquement sur le traitement comptable au niveau de la comptabilisation dans les comptes annuels statutaires. La Commission tient à souligner que l’attention nécessaire doit être portée aux effets du régime de transfert intra-groupe sur l’établissement des comptes annuels statutaires si les sociétés concernées y seraient obligées.
  • 13Voir aussi le point 4 de l’avis CNC 2018/14 – Impôts.
  • 14Ou, si des précomptes ont été versés en excédent au cours de l’exercice, une comptabilisation en compte 77 Régularisations d’impôts et reprises de provisions fiscales. Lors de ce calcul, il est la plupart du temps impossible de tenir compte de la convention de transfert intra-groupe étant donné que celle-ci n’est en principe conclue que lors de l’exercice suivant. Le transfert en question n’est donc comptabilisé qu’au cours de l’exercice suivant.
  • 15La Commission estime que cette méthode n’est pas contraire au principe de non-compensation. Au contraire, la comptabilisation dans l’année N+1 d’une diminution de la dette fiscale (estimée) en débitant le compte 4500 Impôts belges sur le résultat et en créditant le compte 7711 Régularisation d’impôts estimés, suivie par la comptabilisation d’une dette intra-groupe avec pour contrepartie le compte 6710 Suppléments d’impôts dus ou versés à concurrence du montant du transfert intra-groupe dû, ne refléterait pas de manière fidèle l’opération. Si la convention de transfert intra-groupe venait tout de même à être conclue avant la fin de l’exercice, il conviendrait de comptabiliser immédiatement une dette intra-groupe et le compte 4500 Impôts belges sur le résultat ne serait pas utilisé.
  • 16Par souci de simplification, un taux fiscal de 25 % est appliqué.
  • 17Par souci de simplification, un taux fiscal de 25 % est appliqué, sur une base imposable de 480.000 euros.
  • 18Sont portées sous ces sous-rubriques les créances, quels qu'en soient le terme contractuel, l'origine ou la forme, sur des entreprises liées ou sur des entreprises avec lesquelles il existe un lien de participation, lorsque ces créances ont pour but de soutenir durablement l'activité de ces entreprises (article 3:89, § 1er, IV, AR CSA).