Avis CNC 127/1 - Réductions de valeur forfaitaires sur créances 

La Commission a été interrogée sur la licéité au regard de la réglementation belge en matière de comptes annuels et, dans l'affirmative, sur le mode de comptabilisation de réductions de valeur forfaitaires, destinées à tenir compte des risques diffus qui existent dans un ensemble de créances. 

De l'avis de la Commission, deux principes de base, consacrés par l'arrêté du 8 octobre 1976 se trouvent concernés : d'une part, celui de la spécificité des évaluations1 , d'autre part, celui de la sincérité imposant de «tenir compte de tous les risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations qui ont pris naissance au cours de l'exercice»2

Ces deux principes sont parfaitement conciliables en ce qui concerne les créances qui, compte tenu des circonstances propres à l'entreprise, sont, à l'inventaire, susceptibles d'une appréciation raisonnée individuelle, au même titre que celle qui, en règle générale, aura été opérée préalablement à l'acte qui a donné naissance à la créance. Il est permis de penser en effet, qu'avant d'opérer des livraisons importantes, payables à terme, avant d'effectuer des travaux importants pour compte d'un maître d'oeuvre, avant d'avancer des sommes à un tiers ou avant de cautionner ou d'avaliser les dettes d'un tiers, une entreprise s'enquiert du risque d'insolvabilité et apprécie celui-ci en fonction d'éléments divers. Dans de tels cas, chaque créance est tout normalement un risque distinct; lors de l'octroi de tels crédits comme lors de l'inventaire l'entreprise ne les considère pas comme présentant, sous l'angle du risque de non-récupération, des risques statistiquement interchangeables.

Dans tous ces cas, le droit comptable en exigeant l'individualisation et la spécificité des évaluations - et en particulier des réductions de valeur - se réfère à cette optique de base qui est celle de l'entreprise lorsqu'elle accorde de tels crédits. A défaut de jeu de la loi des grands nombres, le risque ne peut dans ces cas être appréhendé valablement par une approche statistique; des réductions de valeur calculées ou établies forfaitairement manqueraient dès lors de bases sérieuses. Elles ne pourraient dès lors être adoptées au titre de substitut d'évaluations individuelles requises en l'espèce. La constitution de telles réductions forfaitaires conduirait par ailleurs, de manière quasi certaine, à des sous-évaluations des créances. 

La situation peut - et doit logiquement - être appréhendée différemment, en ce qui concerne les créances d'un montant limité et qui, au moment de leur octroi, sont normalement appréciées dans une large mesure sur une base statistique. Tel est le cas, principalement, pour les entreprises travaillant avec une clientèle très nombreuse (entreprises de distribution - entreprises de services publics) qui fournissent des prestations payables ou remboursables ultérieurement. En ces cas, l'évaluation individuelle des créances et la constitution de réductions de valeur spécifiques individuelles est impossible en fait et ne correspond pas à l'approche statistique qui gouverne leur octroi et leur gestion. En revanche, la constitution de réductions de valeur forfaitaires répondra à la vérité économique pour autant que le taux retenu soit justifié effectivement par le niveau des pertes réelles subies par l'entreprise elle-même, au cours d'une période d'observation appropriée - chaque année mise à jour - sur des créances de ce type; le cas échéant, ces créances sont subdivisées pour obtenir des échantillons statistiques homogènes. 

De telles réductions de valeur constituent de toute évidence des «réductions de valeur» au sens de l'arrêté royal du 8 octobre 1976. Elles doivent être portées au bilan en déduction des postes d'actifs correspondants et mentionnés dans l'annexe, sous le point 7. 

Ce n'est que dans le cas où les crédits auraient pris la forme d'engagements par signature (aval, caution, etc.) que, selon les termes de l'article 19, alinéa 5, c de l'arrêté des provisions pour risques devraient être constituées et être portées sous la rubrique ad hoc dans les comptes annuels. 

Par ailleurs, il est évident que ces réductions de valeur forfaitaires doivent être appliquées de manière systématique; qu'elles doivent être alimentées par la rubrique I, D, 2 des charges; que si leur montant s'avère excédentaire par rapport aux critères «historiques», l'excédent doit faire l'objet d'une reprise à porter sous la rubrique III, A, 3 du compte de résultats au titre de «résultat exceptionnel», sauf s'il s'agit d'un montant négligeable.

 

  • 1Article 18, alinéa 1er et alinéa 2ème phrase.
  • 2Article 19, alinéa 3.